Dans un contexte où la découverte d’antibiotiques modernes stagne, la montée de la résistance antimicrobienne suscite une inquiétude croissante. L’Organisation mondiale de la santé a récemment classé cette crise parmi les 10 plus grandes menaces pour la santé publique mondiale. Mais pourquoi les infections reviennent-elles parfois même après un traitement antibiotique adéquat?
Une explication possible réside dans le fait que les bactéries deviennent métaboliquement inertes, échappant ainsi à la détection des antibiotiques traditionnels qui ne ciblent que l’activité métabolique active. Ces bactéries dormantes peuvent plus tard se réactiver, entraînant des infections récurrentes. Identifier et combattre cette dormance est crucial pour lutter contre la crise de résistance aux antimicrobiens.
Jacques Valéri, ancien boursier du MIT-Takeda au sein du laboratoire Collins, éclaire cette question. Dans son récent article publié dans Chemical Biology, Valéri propose l’utilisation de l’apprentissage machine pour cribler les composés pouvant tuer efficacement les bactéries dormantes. En exploitant la puissance de l’intelligence artificielle, les chercheurs visent à découvrir des antibiotiques potentiels capables de cibler ces bactéries dormantes résistantes.
La résilience des bactéries dans un état dormant n’est pas un phénomène nouveau. Des scientifiques ont découvert des souches bactériennes anciennes datant de 100 millions d’années, toujours en vie dans un état d’économie d’énergie sur le plancher de l’océan Pacifique. Comprendre les mécanismes de la dormance bactérienne est crucial pour développer des antibiotiques efficaces.
La Clinique Jameel du MIT pour l’apprentissage automatique en santé, sous la direction de James J. Collins, une figure éminente dans le domaine de l’ingénierie médicale et des sciences, a réalisé des avancées dans la découverte d’antibiotiques grâce à l’utilisation de l’IA. Leur recherche vise à étendre l’arsenal d’antibiotiques existant en utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique pour identifier de nouvelles classes de composés antimicrobiens.
Selon une étude publiée par The Lancet, des millions de décès évitables se sont produits en 2019 en raison d’infections résistantes aux médicaments disponibles. Trouver des antibiotiques pouvant cibler efficacement les bactéries métaboliquement dormantes est l’un des principaux défis auxquels sont confrontés les chercheurs.
Au laboratoire Collins, les chercheurs ont utilisé l’IA pour accélérer le processus de criblage des composés médicamenteux connus pour leurs propriétés antibiotiques. Traditionnellement, ce processus pouvait prendre des années en raison du grand nombre de molécules à explorer. Cependant, grâce aux capacités de criblage à haut débit de l’IA, les chercheurs ont pu identifier un composé appelé semapimod en un seul week-end.
Étonnamment, le semapimod, un médicament anti-inflammatoire généralement utilisé pour la maladie de Crohn, a fait preuve d’efficacité contre les Escherichia coli et Acinetobacter baumannii en phase stationnaire. De plus, il a démontré la capacité de perturber les membranes externes des bactéries « Gram-négatives », qui sont notoirement résistantes aux antibiotiques en raison de leur structure unique. Parmi les exemples de bactéries Gram-négatives, on retrouve E. coli, A. baumannii, Salmonella et Pseudomonas.
En perturbant une composante de la membrane externe, le semapimod a le potentiel de sensibiliser les bactéries Gram-négatives aux médicaments qui sont habituellement actifs uniquement contre les bactéries Gram-positives. Cette percée ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement des infections difficiles causées par les bactéries Gram-négatives.
Valéri souligne l’importance de la structure unique du semapimod dans le ciblage de la membrane externe, mettant en avant son potentiel comme arme précieuse contre la résistance aux antibiotiques. En tant qu’équipe de recherche, ils croient fermement que la découverte de nouveaux médicaments pour les infections Gram-négatives est tout aussi essentielle que l’amélioration des médicaments pour les infections Gram-positives.
### FAQ:
Q: Pourquoi les bactéries deviennent-elles résistantes aux antibiotiques traditionnels?
A: Les bactéries peuvent développer une résistance aux antibiotiques par exposition répétée. La mauvaise utilisation et la surutilisation des antibiotiques contribuent à la pression sélective qui favorise l’évolution des souches résistantes aux antibiotiques.
Q: Qu’est-ce que la dormance bactérienne?
A: La dormance bactérienne fait référence à un état où les bactéries entrent dans un état métaboliquement inactif, les rendant moins sensibles aux antibiotiques qui reposent sur le ciblage des processus métaboliques actifs. La dormance permet aux bactéries de survivre dans des conditions défavorables et de se réactiver plus tard, entraînant des infections récurrentes.
Q: Comment l’IA est-elle utilisée dans la découverte d’antibiotiques?
A: L’intelligence artificielle révolutionne le domaine de la découverte d’antibiotiques en accélérant le processus de criblage des antibiotiques potentiels. Les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent analyser de grandes quantités de données et identifier avec une efficacité accrue des composés prometteurs, ce qui peut potentiellement conduire à la découverte de nouvelles classes d’antibiotiques.
Q: Quelle est l’importance de cibler les bactéries Gram-négatives?
A: Les bactéries Gram-négatives possèdent une membrane externe unique qui les rend intrinsèquement résistantes à de nombreux antibiotiques traditionnels. Trouver des médicaments capables de cibler efficacement les bactéries Gram-négatives est une étape importante pour relever les défis posés par les infections résistantes aux antibiotiques causées par ces bactéries.
Q: Pourquoi la découverte de nouveaux antibiotiques est-elle importante?
A: La montée de la résistance aux antimicrobiens constitue une menace significative pour la santé publique à l’échelle mondiale. Découvrir de nouveaux antibiotiques est essentiel pour lutter contre les infections résistantes aux médicaments et garantir que des options de traitement efficaces sont disponibles pour faire face aux maladies infectieuses émergentes.
Source: The Lancet – URL : www.thelancet.com
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